Lorsque l’acheteur recourt à un dialogue compétitif, son pouvoir est plus étendu en comparaison avec une procédure adaptée ou concurrentielle avec négociation (PCN), puisque son besoin n’est pas encore achevé au moment de la consultation. L’acheteur devra alors cadrer la mise en concurrence de telle sorte qu’il puisse bénéficier des largesses de ce mode de passation sans pour autant porter atteinte aux principes de la commande publique. « Le dialogue compétitif est la procédure dans laquelle l'acheteur dialogue avec les candidats admis à participer à la procédure en vue de définir ou développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue sont invités à remettre une offre ». Il ressort de l’article 75 alinéa 1 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics (et du futur article L.2124-4 du code de la commande publique, CCP), trois grandes caractéristiques rattachées à ce mode de passation.
Pas d’obligation de remettre une offre initiale
Primo, le dialogue compétitif est une procédure restreinte. Les opérateurs économiques bénéficient au minimum d’un délai de trente jours, à compter de la publication du marché, pour remettre leurs candidatures (articles 76 du décret et R.2161-25 CCP). Concernant l’invitation à soumissionner, délivrée par la suite aux candidats retenus, les articles 56 du décret ou R.2144-9 du CCP font le point sur les informations devant être présentes dans ce document. Deuzio, l’équipe projet qui mène le dialogue ne peut se dispenser de la négociation avec les candidats retenus, contrairement à la PCN, affirme Maître Mathilde Foglia de chez Charrel & Associés. La négociation, souligne l’avocate, peut avoir lieu avant la remise d’une offre initiale. D’ailleurs, « le dépôt d’une offre intermédiaire avant ou après chaque tour n’est pas exigé continue la nouvelle associée du cabinet. Quand la personne publique choisit une telle configuration (offre initiale + offre intermédiaire), elle emprunte plutôt la voie de la PCN. Toutefois, le décret n’interdit pas, lors d’un dialogue compétitif, de procéder ainsi. En pratique, (tous) les acheteurs préfèrent effectivement commencer la négociation en s’appuyant sur une première proposition des entreprises ». Le dialogue perdure jusqu'à ce que l’acheteur soit en mesure d’identifier la solution susceptible de répondre à ses besoins (articles 76 du décret et R.2161-27 CCP). Dès qu’il le clôture, la personne publique demande aux candidats de déposer une offre, qui s’apparente à l’offre finale, poursuit Me Mathilde Foglia. Ni le décret, ni le futur CCP n’imposent aux personnes publiques un délai de remise des offres minimal à respecter à l’issue de la négociation. A noter qu’une procédure de dialogue dure en moyenne, d’après les avocats interrogés, entre douze et dix-huit mois. Elle porte souvent sur un achat stratégique pour l’entité.
Pas d’exigences minimales Enfin, les textes ne cantonnent pas la négociation uniquement sur l’offre de l’opérateur. Ils ouvrent la discussion sur l’ensemble des documents de la consultation, constate Me Pierre-Yves Nauleau, avocat de Claisse & Associés. Il existe une construction "commune" du cahier des charges entre le pouvoir adjudicateur et les candidats pendant la consultation, reconnaissent Me Rodolphe Rayssac et Me Mathieu Didier de chez Rayssac Avocats. « En dialogue compétitif, rien n’est véritablement interdit », admet Me Nicolas Charrel : « Les échanges peuvent par exemple porter sur la durée du marché ou encore, à l’instar de ce que la jurisprudence a déjà admis, sur le prix et sa décomposition, sur le découpage du marché en tranche ferme et optionnelle… ». Toutefois, le service achat doit identifier les invariants sur lesquels la personne publique ne pourra revenir. A défaut, cela conduirait à rompre l’égalité de traitement entre les opérateurs admis et évincés au terme de la phase de candidature, prévient son confrère de Claisse & Associés. Les professionnels du droit conseillent de définir, au moment du lancement de l’avis de marché, des « exigences minimales », à l’instar de la PCN, même si cette démarche n’est pas pas expressément envisagée par le décret et le CCP à propos du dialogue compétitif.
Publication des modalités du dialogue
En revanche, l’acheteur est tenu, conformément à l’article 75 alinéa 3 du décret (et R.2161-24 du CCP), de présenter en amont un calendrier indicatif. Le nombre de séances de dialogue doit être porté à la connaissance des candidats, même si Me Nicolas Charrel invite le pouvoir adjudicateur à préciser que cette information est seulement prévisionnelle afin de laisser à l'entité la possibilité de lancer un tour de dialogue supplémentaire dans l'hypothèse où il s'avèrerait nécessaire. L’acheteur est également contraint de mentionner les modalités de la négociation. Les séances ne sont pas collectives. Elles se déroulent, à chaque fois, entre le pouvoir adjudicateur et chacun des candidats. « Chaque opérateur doit être convoqué et auditionné dans les mêmes conditions. Quant au délai de remise des offres, il doit être identique », prévient Me Pierre-Yves Nauleau. Me Nicolas Charrel ajoute : « Par exemple, les séances doivent être conduite par une même équipe projet. De même, tous les candidats doivent disposer des mêmes possibilités de présentation de supports, de rendus… ».
L’acheteur peut organiser des séances thématiques où les problématiques techniques, juridiques et financières seront abordées séparément. L’objectif de ce dispositif est d’obtenir des échanges pertinents en réunissant, dans ces sessions, uniquement des personnes qualifiées au regard de l'ordre du jour, tant du côté de la personne publique que des entreprises. Quid de la rédaction d’un compte rendu des négociations ? Cette action est facultative. Mais en vertu du principe de transparence, Me Pierre-Yves Nauleau recommande fortement l’envoi d’un tel document aux candidats, « cette précaution devant être réitérée à l’issue de chaque séance de dialogue ». Quoi qu’il en soit, un procès-verbal doit être rédigé et conservé par l’acheteur à chaque séance de dialogue, conclut Me Mathilde Foglia.
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